Maestoso

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Jérôme ! Jérôme ! Pas de Jérôme. Non pas qu’il fut absent, non ; non pas qu’il fut endormi, non. Non, on ne le voyait pas. C’est curieux comment il est des hommes qui passent inaperçu. Ils ne se cachent pas réellement, non. C’est juste qu’on ne les voit pas. Un photographe qui circule autour d’un spectacle et en fixe les étapes sur la pellicule mais auquel personne ne fait attention. Le serveur qui présente le plat de petits fours qui attirent bien plus l’attention que la main qui les tend. La madame sur le banc sur les genoux de laquelle on s’assoit car on ne l’avait pas vue. Le petit vieux qui se fait renverser par une voiture dont le chauffeur ne s’aperçoit même pas qu’il a cabossé son aile. Ah oui, Jérôme ; rien à en dire, j’avoue que je ne l’ai pas remarqué. Je me demande même si on pourrait le tuer sans s’en rendre compte. A moins qu’il ne soit déjà mort. D’ailleurs il a répondu à l’appel de tout à l’heure, mais personne ne l’a entendu ; on le croit déjà mort.

Le serpent, lové sous la pierre, cherche le calme et la chaleur paisible du rocher. Il ne se jète que sur l’importun qui le dérange ou ne frappe que pour manger. Mais lui, est toujours repus avant de tuer. Son œil vif roule de tout côté, guidé par une intuition infaillible pour détecter les suiveurs à distance. Lors il se déguise instantanément en boite aux lettres sur le trottoir, en feu rouge, en abri-bus ou en pute et, invisible, se laisse dépasser. C’est la deuxième fois qu’il reconnaît celui-là. Il faut s’en occuper. Arrivé à sa hauteur, il lui postillonne dans la tête, un grain de sable, un caillou aiguille qui traverse le cuir chevelu et inocule à sa victime la juste dose mortelle qui lui permettra de rentrer chez elle pour mourir sans se souvenir.

Un souffle, un rien, une différence de température d'un côté à l'autre de la porte mi-ouverte - y avait-il quelqu'un derrière ? et rien ne bougeait, rien, juste un peu au moment où il s'était engagé, un petit souffle en plus et la porte lui claqua en pleine figure.